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  • Photo du rédacteurSamuel ML

Une vague d'analphabétisme routier au Québec ?


Source: SPVM


En mettant sur les réseaux sociaux des vidéos de situations conflictuelles entre automobilistes et cyclistes et en regardant les commentaires, on en vient souvent à la conclusion que la connaissance du Code de la sécurité routière (CSR) n’est pas très répandue. C’est un euphémisme. On peut presque parler d’une vague d’analphabétisme routier. Le pire est que certaines personnes sont convaincues d’avoir raison en ayant leur propre interprétation du Code.


Dans une récente vidéo publiée sur Twitter, on pouvait voir un cycliste sur la nouvelle piste cyclable sur l'Avenue des Pins à Montréal se faire couper la route par un automobiliste qui faisait un virage. Les commentaires fusent. Chacun s’improvise grand expert du CSR et y va de leur propre interprétation, au mépris des règles existantes pourtant claires. Si on ose remettre en question leurs bêtises, on se fait dire de refaire nos devoirs, d’aller réviser notre code, tout en se demandant si ces gens l’ont déjà consulté une fois dans leur vie.


Plusieurs personnes disent que le cycliste doit tourner à gauche, car une enseigne lui obligerait de le faire.


Source : Compte Twtter "guyars"


La réalité est que ce panneau n’est qu’une enseigne informative suggérant un itinéraire cycliste et ne constitue pas une obligation de virage à gauche ou pire, une interdiction de continuer tout droit. De plus, ce panneau ne modifie en rien comment les cyclistes et automobilistes doivent se comporter à l’intersection.


Certaines personnes croient que le cycliste doit suivre le feu piéton et vu que celui-ci est sur le décompte numérique, cycliste comme piéton n’a plus priorité et l’automobiliste a raison de tourner sans accorder la priorité au cycliste.



La réalité est que le cycliste doit se conformer à la signalisation et aux feux de circulation comme doit le faire un automobiliste à moins qu’un feu cycliste soit présent. Si c’est le cas, c’est le feu cycliste qui prime [1].


Depuis la refonte du Code de la sécurité routière en 2018 cependant, lorsqu’il y a un feu piéton activé et que le feu est rouge, le cycliste peut continuer sa route à condition de s’immobiliser et de céder le passage aux piétons.


Du côté du piéton, contrairement à ce que plusieurs personnes prétendent, l’activation du décompte numérique ne signifie pas que les automobilistes (et les cyclistes) ont priorité au virage. Cela signifie que le piéton doit s’assurer d’avoir assez de temps pour traverser au complet, sinon il doit s’abstenir de commencer la traversée et attendre le prochain cycle [8].


La priorité aux virage aux intersections est très claire dans le CSR à l’article 349 [2] :


349. Le conducteur d’un véhicule routier ou le cycliste qui effectue un virage à une intersection doit céder le passage aux piétons et aux cyclistes qui traversent la chaussée qu’il s’apprête à emprunter.


Peu importe qui est arrivé en premier à l’intersection (plusieurs personnes prétendent que ce n’est qu’une question du premier arrivé premier servi), automobilistes et cyclistes doivent céder aux cyclistes et piétons qui traversent avant d’entamer le virage.




La fiche du SPVM est aussi claire [3]. Il est question d’évaluer si en tant que conducteur, on a le temps d’effectuer le virage sans compromettre la sécurité ou le déplacement des piétons et cyclistes. L’automobiliste a l’obligation de regarder dans son rétroviseur, ses miroirs et son angle mort avant de faire le virage.



Certaines personnes ont aussi des idées loufoques : étant donné qu’il y a une ligne d’arrêt sur la piste cyclable, il faudrait faire un arrêt (confondant panneau d’arrêt et ligne d’arrêt), et ce sans panneau d’arrêt et en présence d’une lumière verte! C’est quand même drôle de dire cela des cyclistes alors que pour les automobilistes, la ligne d’arrêt dans la voie automobile semble vouloir dire autre chose. Vous avez compris que certaines personnes sont très créatives des règles pour éviter de questionner le comportement dangereux de certains automobilistes.



Certaines personnes vont aussi prétendre que comme l’automobiliste a mis son clignotant, une priorité lui serait magiquement accordée. Ce serait donc une course à qui signale son intention en premier. Est-ce que le cycliste ou le piéton doit signaler son intention de continuer tout droit pour avoir priorité et si oui avec quel geste? Il serait difficile d'imaginer des automobilistes tolérer qu'un autre automobiliste le coupe pour faire un virage juste parce qu’il a mis son clignotant.


Certaines personnes vont aussi prétendre avoir sous la main un article de source fiable prouvant que les cyclistes n’ont pas priorité s’ils continuent tout droit.



Sur un article du ministère des Transports du Québec, c’est vrai que l’on peut y lire [4] :


Priorité aux autres véhicules aux traverses

Lorsque la piste cyclable traverse la chaussée, le cycliste n’a pas la priorité. Il doit alors céder le passage aux véhicules avant de s’engager.


Le hic ici c’est qu’il est question d’une traverse piétonne. Le cycliste n’a en effet pas la priorité comme un piéton. Il doit débarquer de son vélo pour devenir piéton et ainsi traverser avec la priorité que lui confère le passage.




Certaines personnes pensent aussi qu'à vélo, il faut faire un stop systématiquement aux intersections, peu importe la signalisation et les feux en place. Ha bon?






Au moins, certaines personnes semblent être lucides et faire le bon constat, il y a des dangers publics et le fiel de commentaires sur les réseaux sociaux semble être un bon échantillonnage de la médiocrité que l’on retrouve sur les routes.



Le pire c’est que même quand on leur montre les règlements, les fiches explicatives des autorités, les gens vont y aller d’un argument que l’on ne peut contrer, celui que les gros (véhicules) menacent les petits donc il faut toujours cédez aux gros et ne pas tenter de prouver son point. Comme si des gens partaient un jour à vélo ou à pied en se disant, tiens je vais absolument me faire respecter aujourd’hui en tant qu’usager vulnérable et je suis prêt à me faire tuer s’il le faut. Au final, on ne peut être qu’être en accord avec le fait qu’en tant qu’usager vulnérable, on ne fait pas le poids par rapport aux mastodontes qui se retrouvent sur nos routes. Il faudrait donc tolérer et même défendre les comportements dangereux d’automobilistes parce qu’à quoi bon vouloir s’imposer aux plus forts que soi ? C’est la loi du plus fort, on doit conduire pour les autres, quoi qu’en dise le principe de prudence enchâssé dans le code de la sécurité routière en 2018, qui reste juste… un principe [2].


« Tout usager de la route est tenu, surtout à l’égard de celui qui est plus vulnérable que lui, d’agir avec prudence et respect lorsqu’il circule sur un chemin public. »

Le conducteur d’un véhicule routier est tenu de faire preuve d’une prudence accrue à l’égard des usagers plus vulnérables, notamment les personnes à mobilité réduite, les piétons et les cyclistes. L’usager vulnérable est, pour sa part, tenu d’adopter des comportements favorisant sa sécurité. » .


Il serait tentant de conclure que les commentaires sur les réseaux sociaux ne sont pas représentatifs de la société et on aurait probablement raison. Cependant la conjoncture actuelle nous amène à penser que les chauffards sont nombreux et souvent impunis sur nos routes. Au lendemain de la mort de la petite Maria, happée par un automobiliste en se rendant à l’école, le premier ministre François Legault y allait d’un ton rassurant « la majorité des Québécois respectent les limites de vitesse dans les zones scolaires » allant à l’encontre de ce qui a pu s’observer maintes fois [5].


De plus, le Service de Police de la Ville de Montréal (SPVM) a grandement réduit son émission de constats d’infractions [6].


On peut aussi se questionner sur la normalisation de la violence routière, mais bon, cela serait un sujet d’une autre chronique.


En conclusion, on peut se demander en tant que société, comment on a pu se rendre là. Comment la Société de l’Assurance Automobile du Québec (SAAQ), la société d’État chargée de remettre et contrôler les permis de conduire, permet à des gens n’ayant visiblement aucune connaissance élémentaire de rouler sur nos routes et circuler autour des écoles de nos enfants. Pourquoi n’y a-t-il aucun contrôle ou mise à jour périodique obligatoire des connaissances des conducteurs? Est-ce légitime de permettre à des gens qui ont passé leur permis de conduire il y a plusieurs décennies à conduire sans nouvelle formation malgré les différentes refontes du CSR à travers les années ?


La SAAQ aurait avantage à être à l’avant-garde de la protection de plus vulnérables en appliquant par exemple une recommandation consensuelle, l’ouverture de portière hollandaise pour prévenir l’emportiérage de cyclistes. Celle-ci refuse toujours à ce jour à l’appliquer [7].


Ce n’est pas qu’un problème montréalais, aux 4 coins de la province, de plus en plus en de place est faite aux piétons et cyclistes. Même dans les municipalités où l’auto a le monopole presque exclusif du mode de transport, il n’est pas rare d’y voir des cyclistes et des piétons mourir sous les roues de voitures.


-------------------- [1] https://saaq.gouv.qc.ca/securite-routiere/moyens-deplacement/velo/ce-que-dit-la-loi

[2] https://www.canlii.org/fr/qc/legis/lois/lrq-c-c-24.2/derniere/

[3]https://spvm.qc.ca/upload/Securite_routiere/Regles_de_circulation/Pour_un_partage_securitaire_de_la_route_-_Regles_a_respecter_par_tous.pdf

[4]https://www.quebec.ca/transports/circulation-securite-routiere/regles-conseils-mode-transport/velo/voies-cyclables

[5] https://www.lapresse.ca/actualites/2022-12-23/zones-scolaires-zones-dangereuses.php [6] https://www.lapresse.ca/actualites/justice-et-faits-divers/2022-12-15/chute-importante-des-contraventions-liees-a-la-securite-routiere.php [7] https://www.lapresse.ca/actualites/2022-06-28/emportierage/la-saaq-tarde-a-adopter-la-portiere-hollandaise.php

[8] https://saaq.gouv.qc.ca/securite-routiere/moyens-deplacement/a-pied/ce-que-dit-la-loi

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